Et voilà notre première interview de tatoueur et nous l’inaugurons fichtrement bien avec Léa Nahon qui officie à la Boucherie Moderne (Bruxelles). Nous avons découvert une fille à l’humour décapant, qui ne mâche pas ses mots et à la personnalité débordante. En bref, cette fille là envoie du lourd.

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Léa Nahon. Je vis avec un musicien riche et célèbre dont je tairai le nom, j’ai un chat et j’aime le soleil, les fraises et les bigorneaux. Je suis tatoueur depuis 11 ans maintenant et officie à la Boucherie Moderne depuis 5 merveilleuses années. Mon patron est beau et gentil et on a le droit de maltraiter les apprentis. Je voudrais profiter de cette interview pour remercier Robert qui m’a tant donné.

Je suppose que tu es toi-même tatouée, quels sont les artistes qui t’ont tatouée et comment les choisis-tu ?

La plupart ne sont pas des artistes mais de pauvres types qui se sont fait refuser de l’école de police ou ont raté leur examen d’entrée à la voirie de Bruxelles. Il y a quelques années, j’ai compté par combien d’artistes je me suis faite tatouer et il y en avait plus de 30. Je ne savais même pas que j’avais 30 tattoos et certains artistes en ont fait plusieurs, ça explique les quelques centimètres carrés de peau recouverte… Alors la liste peut être très longue, mais pour en citer quelques uns, en tout cas connus sur ce continent, il y a Yann Black, Navette, Sacha, Karl Marc, quelques néophytes anonymes, Roberto, Rémi, Joe moo, Jeff, Piet du Congo, Juan Puente, Gilles de Liège, Bruno Kéa, etc…..

Depuis combien de temps es-tu tatoueuse et qu’est-ce qui t’a décidée à suivre cette voie ?

Comme je disais, depuis 11 ans, mais j’ai réellement commencé à tatouer les gens jeudi dernier… rien en particulier ne m’avait destiné à suivre cette voie, disons que des bonnes rencontres au bon moment. Ce métier n’est jamais choisi par hasard, il doit y avoir un attrait au départ, mais jamais je ne m’étais dis ¨Quand je serai grande, je serai tatoueur!¨. Par contre, le jour où j’ai planté ma première aiguille dans quelqu’un, j’ai bien compris que ce n’était pas un job d’été. J’en ai pour 10 ans en une seconde !

Léa et un chien

Léa et un chien – © photo: Julien Lachaussée

Par quelles étapes es-tu passée avant de travailler à la Boucherie Moderne ?

J’ai travaillé dans des tas de shops, des plus sordides aux plus chouettes (heureusement plus de chouettes), dans des conditions plus ou moins sympas et puis j’ai beaucoup voyagé. Je crois que mon vrai départ dans le métier a été le jour où je suis partie aux Etats Unis rejoindre mon ami Karl Marc. Je n’avais comme bagage que la technique de base du tatouage, j’ai commencé à faire des conventions, appris la rapidité et la capacité à faire des tatouages sur n’importe quel coin de table, toilettes de train, cellules de dégrisements (etc.), rencontré des tatoueurs très talentueux qui ne parlaient pas la même langue que moi, et surtout des collègues qui m’ont permis de réaliser mes propres dessins sur eux.

Après quelques années à tourner aux Etats Unis avec On The Road Tattoo Group, composé de et créé par Karl Marc, Dave Sanchez et moi-même, le gouvernement américain m’a interdit de revenir sur le territoire pour des ¨raisons de visas¨ ( mon passif dans le grand banditisme continue à me jouer des tours). Je travaillais à Paris chez Art Corpus à cette époque là. La bougeotte et le groupe Tattoo Noise Act, avec Jeff et Kostek, les fondateurs de la Boucherie Moderne, m’ont conduit à Bruxelles, où j’allais me faire couper les cheveux régulièrement. Au bout d’un an d’allers/retours, je me suis installée. Depuis, je mange des frites.

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Comment qualifies-tu ton style ?

Je ne le qualifie pas vraiment, en tout cas, je ne lui ai pas donné de nom… Je pense que ce style vient surtout de mon manque de patience. Je n’aime pas passer plus de trois heures sur le même dessin, je ne le refais pas au propre. J’aime les fautes, les traits de constructions qui n’ont pas leur place dans un dessin ¨fini¨, ça fait partie de la recherche et je trouve dommage de s’en débarrasser. J’aime garder l’énergie, ce côté spontané qu’un dessin peut avoir au moment où on en a l’idée et qu’on le balance sur papier. Tout ça est souvent perdu quand on le travaille trop.

Tu n’utilises que de l’encre noire pour tes tatouages. Pourquoi ce choix ?

Les couleurs c’est trop cher, avant je volais des craies dans les écoles et je les broyais avec du savon et un peu d’ammoniac. Depuis, j’utilise de la terre avec de l’eau, les normes sanitaires ont tué l’artisanat. J’ai fait beaucoup de couleurs avant mais la plupart de mes dessins représentent des personnages humains, souvent dénudés et la couleur chair en tatouage est un peu risquée à utiliser, dans le temps, elle change selon les peaux, mais on ne peut pas le savoir à l’avance, c’est cher payé la tentative… Et puis je ne suis pas la meilleure coloriste du monde, à force, mes couleurs étaient toujours les mêmes et je m’en suis lassée, ça devenait trop basique. Je trouve qu’un tatouage noir et blanc bien percutant vaut mieux qu’un full color moyennement efficace. Certains tatoueurs gèrent la couleur très bien et je trouve ça superbe, je crois juste que ce n’est pas mon truc.

Comment cela se passe-t-il avec tes clients la plupart du temps, est-ce qu’ils viennent te voir avec un projet tout prêt ou préfères-tu créer de toute pièce ?

Je crée de toute pièce. Mais pas selon la demande, je fais mes dessins, des croquis personnels, des peintures, selon mes thèmes, que j’essaye d’élargir un maximum. Je mets tous ces dessins à disposition sur mon site ou dans mon carnet de croquis pour ceux qui peuvent passer à la Boucherie et mes clients peuvent choisir dedans, les re-interpréter, se les approprier. Souvent ce qu’ils voient dans le dessin est l’inverse de ce que j’y ai mis à la base mais c’est là que ça devient intéressant. Et puis tous ces croquis prennent une deuxième vie quand ils trouvent un nouveau propriétaire, il vaut mieux ça que de rester enfermé dans une pile de carnets de croquis que personne n’ouvre jamais…

Quel tatouage t’as le plus marquée ?

Je travaille actuellement sur un banc de crevettes…. Nous commençons à être nombreux à porter des crevettes sur différentes parties de nos anatomies, j’y suis passée aussi par les soins d’un collègue. Ce n’est peut-être pas le tatouage le plus marquant de toute ma vie, mais je suis sûre que nous ferons belle impression l’été prochain à la piscine, ne serait-ce qu’à l’odeur…

lea-nahon-tatoueuse (7)Quels artistes t’ont inspirée et t’inspirent encore aujourd’hui ?

Il est très rare que je m’inspire d’artistes tatoueurs. Si je dois en citer un, ce serait Navette, mais ce n’est pas vraiment une inspiration, il m’énerve. Sinon, ce serait surtout des gens morts, Pinochet, Egon scheile, particulièrement, Klimt et Mucha ou encore Jacques Brel, dont j’ai copié le travail pendant des années. Pour ce qui est des contemporains, ce serait plus des photographes comme Jan Saudek et Nan Goldin.

Etre une fille dans le milieu du tatouage, est-ce un handicap ou un atout selon toi ?

C’est un peu comme se déplacer en chaise roulante ou avec un bec de lièvre, tout le monde remarque qu’il y’a quelque chose qui cloche, mais ils restent poli… Donc en général, pas de discrimination directe, c’est cool… mais j’ai quand même eu droit à un ¨c’est pas mal pour une fille¨, j’ai été obligée de lui péter la gueule, depuis, je passe inaperçue.

As-tu déjà fait des conventions ou comptes-tu en faire ? Si oui, qu’est-ce que cela t’apporte ?

J’en ai fais des tas. Ca permet de se faire connaître au niveau du travail, de rencontrer plein de chouettes artistes, mais aussi de se faire une très mauvaise réputation… Le bar et ses conséquences ne sont jamais loin.

Quelle est la demande la plus insolite que l’on a pu te faire ?

A part le banc de crevettes, je dois avouer que le caleçon à carreau tatoué remporte encore et toujours la palme de la connerie.

Quels sont tes projets d’avenir ?

Gagner au loto, épouser Orson Wells, vivre libre ou crevettes.

Toute l’équipe d’Inkage (bon ok on est deux, mais deux c’est déjà une équipe…) remercie Léa pour nous avoir accordé un peu de son temps alors qu’elle est surchargée de travail.  Si vous souhaitez la surcharger un peu plus en vous faisant tatouer l’une de ses oeuvres, vous pouvez la contacter sur son site http://www.leanahon.com ou vous pouvez lui rendre visite à la Boucherie Moderne à Bruxelles.

Les tatouages réalisés par Léa Nahon

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A propos de l'auteur

Graphiste et Webmaster de profession, c'est fin 2012 que je décidais de lier mes passions pour le tatouage et l'informatique en créant inkage.fr. Retrouvez moi sur Google plus

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