Cher Stéphane,

Internet est un lieu merveilleux. Voilà qu’on porte à mon attention un texte que vous avez commis dans un journal Catholique (fort loin de mon terrain de chasse littéraire) et baptisé d’après le symbole même de la souffrance : La Croix. On sent bien, d’ailleurs, que vous avez un problème. On le décèle dans les premiers mots de votre… article ? Texte ? Avis? Caprice? Un texte tout en condescendance et en leçons de morale. Mais moi je suis bête et je n’ai pas bien compris. C’est qu’en général quand on donne une leçon, on étaye de faits, d’exemples et de références. Sinon c’est un monologue de pilier de comptoir que plus personne n’écoute, même pas le Patron. On peut le dire avec tout le vocabulaire du XIXème siècle qu’on veut, cela reste inintéressant. Bref, comme toujours quand on exprime son opinion de façon publique, on s’expose à être lu par d’autres, et potentiellement par ceux-là mêmes qu’on décrit et qu’on décrie. Je ne vous connais pas, j’ai seulement entendu que vous étiez un écrivain « récompensé », je n’ai rien cherché sur vous car tout ce que j’ai à vous dire concerne ce texte aigri et râleur contre nous.

En tout cas avant de lire ma réponse, certains lecteurs seront peut-être intéressés par la lecture de votre texte, sans pour autant donner son clic à La Croix, ou son euro au tronc, alors par souci de distribution de Savoir aux pauvres, je le mets à disposition ici :

Le texte original:
Stéphane Audeguy, le 26/05/2017 
Aux premières grandes chaleurs, les tenues de nos contemporains raccourcissent, découvrant, sur des milliers de kilomètres carrés d’épiderme, la nouveauté occidentale la plus dérisoire et la plus révélatrice de la culture de masse au XXIe siècle : le tatouage.Ne pas rire, ne pas s’indigner, comprendre, conseille notre cher Spinoza. Soit. Dans le cas de cette manie, il est tout de même difficile de ne pas sourire, au moins : tant de professions de foi ineptes ou incongrûment placées, tant de dessins hideux, tant de fresques prodigieusement kitsch, tant de portraits manqués d’anonymes ou de célébrités… Il faudrait au moins conseiller aux impétrants de la Confrérie de l’aiguille encrée le merveilleux sketch de Francis Blanche et de Pierre Dac, auquel le titre de la présente chronique rend hommage : un authentique faux fakir venu d’Ind(r)e y évoque un tatouage représentant d’un côté la cueillette des olives en Basse-Provence, de l’autre un épisode de la prise de la smala d’Abdel Kader par les troupes du duc d’Aumale. Côté apophtegmes, même tableau. Qui donc a besoin de conserver à portée de vue, quand ce n’est pas dans son dos, le concentré de sa philosophie de l’existence, ou les dates de naissance et de décès de son pépé regretté ?

Plus sérieusement : nous parlons, selon des études récentes, de 20 % de la population des États-Unis ; de 15 % de celle de la France. L’extraordinaire variété des démarches qui poussent nos semblables à se tatouer est frappante : cela va de la recherche d’une certaine esthétique (sourcil tatoué, dauphin à la cheville) à des sens plus ou moins métaphysiques (érotique, religieux, politique, familial), en passant par des modes forcément éphémères (sauf pour les tatoués !) ; signalons une récente tendance franchement non figurative chez certains jeunes gens distingués (zones monochromes rectangulaires ou carrées sur le mollet ou l’épaule, traits noirs et absolument rectilignes à l’intérieur de l’avant-bras).

La pratique du tatouage est une sorte d’oxymoron. Si elle entend singulariser son propriétaire, elle le signale en fait comme appartenant à un collectif (celui des admirateurs de Céline Dion, ou des zélateurs de Harley Davidson). Elle relève d’une extimité, pour employer un néologisme à la mode : l’intériorité de l’individu s’exprime à la surface de son corps. Étrange attribut tribal du sujet ! On se donne un corps infiniment blasonnant (lancer certains tatoués sur la question de leur programme de tatouages, c’est attirer des réponses étonnamment longues et circonstanciées). Le discours du tatoué à l’égard de ses tatouages va rarement sans ambivalence : c’est un exhibitionniste pudique ; combien de fois me suis-je fait rembarrer par des tatoués fort agacés que j’ose leur demander ce que signifiait, pour eux, telle formule latine, tel dessin aborigène, telle fleur multicolore, alors même qu’ils me les mettaient sous le nez !

Tout cela procède – car il faut penser à la douleur de l’opération elle-même ! – d’une extraordinaire violence dirigée contre son propre corps, que l’on marque à vie. Par sa capacité à absorber avec une apparente indifférence tout et n’importe quoi (idéogrammes chinois, imagerie religieuse, iconographie sportive, que sais-je), à la vider de tout contenu tout en s’en réclamant, le tatouage aujourd’hui est le parfait symptôme de la plasticité d’une société marchande qui a tout intérêt à ce que chacun d’entre nous se totémise ainsi (quel meilleur consommateur que celui qui veut absolument être lui-même, de toutes les façons possibles ?).

On n’en finit pas, en une demi-page, d’un sujet aussi complexe. Car le tatouage est aussi – et par là j’entre en sympathie avec lui – une tentative d’expression personnelle ; et, peut-être, le succédané d’une œuvre chez des êtres qui n’écrivent ni ne peignent, sinon sous cette forme. Et, dans un monde où tout est censé glisser, s’effacer, comme à la surface d’un écran, ce goût de l’indélébile, si débiles soient les formes par lesquelles il s’exprime, m’apparaît soudain comme une sorte de protestation contre l’insignifiance. Car le tatouage est encore et toujours un geste transgressif, qui peut être assez terrible : je me souviens avoir vu récemment, dans une ville de Bretagne ravagée par l’alcoolisme et le chômage, deux individus farouches au visage entièrement couvert de tatouages disparaître dans un immeuble visiblement squatté. Cette façon de détruire cet élément capital de la sociabilité qu’est le visage me glaça, je l’avoue. Et quant à ceux qui s’imaginent s’encanailler un peu en se tatouant, savent-ils que certains esclaves romains portaient un tatouage au front ? De quoi nos tatoués sont-ils esclaves, sinon de l’injonction d’être soi, qui est bien la pire des servitudes volontaires ?

Stéphane Audeguy

C’est à mon tour donc, d’avoir l’incroyable arrogance de considérer mon avis comme suffisamment intéressant pour être publié…

combien de fois me suis-je fait rembarrer par des tatoués fort agacés que j’ose leur demander ce que signifiait, pour eux, telle formule latine, tel dessin aborigène, telle fleur multicolore, alors même qu’ils me les mettaient sous le nez !

Bonne question ! Combien de fois ? Cela semble une myriade, et je suis sincèrement désolé que vous n’ayez reçu que des réponses agressives en paiement de votre bravoure à venir vous frotter à cette fange de la société occidentale. Sans doute est-ce là un trait commun des tatoués ? Agressifs et agacés ? Ou bien vos questions étaient mal posées ? Il faut dire que si elles étaient présentées sur le ton de votre papier, je dois admettre que je comprends l’agacement. Car voyez-vous, on en reçoit fréquemment, des jugements comme le vôtre. Vous êtes prompts à juger, mais lents à comprendre. Tout le monde n’a pas la patience de vous expliquer. Moi si.

Moi, je m’appelle Ludovic. J’ai été élevé à coups de catéchisme, et pourtant le greffon Catholique n’a pas pris sur moi. Je n’aime pas beaucoup les partis politiques, et celui de Jésus pas plus que les autres. J’ai une foi cependant, et de ces années à la cure, j’ai gardé quelques valeurs, probablement. La tolérance, le pardon, l’humilité (ah non au temps pour moi, je tiens cette dernière de mon pays d’adoption et du shintoïsme…) et c’est une bonne nouvelle car en vérité je vous le dis, je vais les utiliser pour vous éduquer un peu. Oh ne vous inquiétez pas, pas à la schlague! Je ne vais pas non plus vous faire porter le cilice, car dans la vie, je suis un vrai professeur moderne. J’ai l’habitude d’expliquer simplement pour que les esprits de toutes profondeurs comprennent, y compris ceux comme le mien qui restent volontiers dans le « petit bain ». Je peux même occasionnellement utiliser quelques mots complexes pour vous mettre à l’aise si vous le désirez.

Cher Stéphane, je ne suis pas venu vous dire que vous avez tort. Je suis venu vous dire que vous êtes malhonnête, ce qui est bien plus grave. Alors on va reprendre, parce que Spinoza ne serait pas fier de vous.

Vous utilisez beaucoup d’adjectifs pour qualifier nos tatouages. « professions de foi ineptes » (ça veut dire stupide, je le dis pour les autres), « incongrûment placées » (j’imagine que vous voulez dire ici accessibles à votre regard chaste, je serais étonné que vous fassiez allusion à la question du placement qui fait partie des problématiques propres au tatouage, et le rendent unique face à beaucoup d’autres formes d’art…), « dessins hideux », (Mikael de Poissy appréciera, lui qui utilise fréquemment l’iconographie catholique), j’entends d’ailleurs dans ce « hideux » toute la mesure de votre connaissance du Beau… Bref, une belle liste qui illustre bien votre propos : les tatoués sont des êtres à prendre en pitié et bien bas de plafond. Sachez tout de même que les « impétrants de la Confrérie de l’aiguille encrée » connaissent Francis Blanche et Pierre Dac, qui riraient bien de votre esprit réac, soit dit en passant.

Alors oui, Stéphane. Oui. Ces gens existent! Pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font! (oups désolé vous comprendrez mieux en latin? « dimitte illis non enim sciunt quid faciunt »). Le problème c’est qu’on ne juge pas d’une pratique (pour vous ménager je n’utilise pas « Art ») millénaire par le seul exemple d’une fraction de ses adeptes. Je vous fais la politesse de ne pas vous associer, sur la simple information que vous êtes Catholique, au Ku Klux Klan, aux Croisés, ou à CIVITAS (si si, sur le même plan), j’apprécierais donc que votre bel intellect se pare d’honnêteté. C’est pourtant simple, il suffit d’expliquer en deux ou trois phrases que c’est là une conséquence malheureuse de la rencontre de plusieurs facteurs, et que c’est cette utilisation du tatouage qui définit le crime de stupidité qui vous agace, et non le tatouage lui-même. Faire l’économie de cette discrimination vous fait passer d’esprit critique respecté à vieux daron réac. Il s’en est fallu de peu.

Qui donc a besoin de conserver à portée de vue, quand ce n’est pas dans son dos, le concentré de sa philosophie de l’existence, ou les dates de naissance et de décès de son pépé regretté ?

Moi. Je n’en ai peut-être pas « besoin », mais au moins j’en ai « envie ». Notez bien que d’autres gardent des reliques dans des boites dorées, s’accrochent à des petits symboles, jusqu’à en faire des titres de journaux, chacun ses petits sanctuaires. Et puis ironiser sur la mort de pépé, c’est nul. Si vous avez envie Stéphane, vous pouvez lire quelques lignes qui traitent de la question du tatouage de deuil, c’est sans prétention, mais c’est une vraie tentative de réflexion, et ça laisse pépé tranquille. Et honnêtement, je ne vois pas bien en quoi cela vous dérange, vous, que je porte dans ma peau le nom de mon épouse décédée à 27 ans par exemple. C’est quoi exactement le problème? Vous ne l’expliquez pas.

Puis viennent les chiffres dans votre diatribe. Et là tout s’éclaire : ce qui vous rend ronchon c’est le nombre. La « masse », mot qui sonnait déjà comme une insulte dans votre phrase d’introduction « la nouveauté occidentale (…) la plus révélatrice de la culture de masse au XXIe siècle : le tatouage » (biiiip FAUX, hé noooon Stéphane! Il y avait un piège! la nouveauté c’est sa popularité, pas de point pour Stéphane! On l’applaudit quand même!).

S’en suit une liste plus ou moins exhaustive et donc étriquée de votre vision du monde du tatouage, éléments décousus jetés sur le sol comme preuve de votre grande connaissance du sujet, absolument unique élément censé apporter du crédit à vos mots. Car je le rappelle, vous avez pris la parole publiquement. Du coup il faut bien justifier de votre connaissance (on a donc bien compris que vous avez souvent parlé à des tatoués, vous avez entendu parler d’une ou deux tendances actuelles, emballé c’est pesé, ça doit suffire pour donner mon avis). Bein non. Parler à ses ouailles, ça se fait du haut d’une chaire. Sur le net, il faut un peu plus car les connaisseurs vous entendent aussi. Du coup, j’insiste, à défaut de connaissances, on injecte un peu d’humilité et de pondération, ça évite de passer pour un zouave.

On en revient à votre agacement qu’on vous mette notre intériorité sous le nez. Visiblement ça va pas ça. La nature ambivalente du tatouage, cet exhibitionnisme pudique… Je comprends. (merde encore un problème complexe sur lequel il faut réfléchir? Non je préfère dire que c’est débile, en plus ça rime avec « indélébile », je suis un génie!). Dans un esprit étriqué par la perpétuelle opposition binaire Bien et Mal, il est très compliqué d’admettre les nuances. Vous devriez vous mettre au Taoisme le temps d’un weekend, pour voir le monde comme une respiration, ça aide à accepter beaucoup de choses qu’on ne comprend pas quand on a votre capacité d’analyse. J’ai cru, en vous lisant, entendre à nouveau un paternel agacé dire que ça l’énerve de voir les bras tatoués dans le tram, que franchement on n’a pas à lui imposer ça au regard. Le genre de commentateur compréhensible mais qui se retrouve vite un peu penaud quand on lui demande s’il se pose ce genre de question au moment de choisir sa chemise le matin. Il faut qu’elle plaise à tout le monde sans ça un homme dans le tram pourrait être indisposé par la vue des carreaux. Ou alors, on pourrait considérer que cette gêne est à la charge du gêné et qu’un détournement de regard suffit à régler le problème? Tant qu’on ne vous oblige pas à passer sous le dermo, qu’est-ce que ça peut bien vous faire d’apercevoir un bout d’encre? Même si c’est un gros bout… On n’emmerde pas (quand on est saint d’esprit) les Juifs pour leur kippa, les Catho pour leur raie sur le côté, ou les Roux pour leurs éphélides! La liberté des tatoués s’exprime, j’en suis navré, comme celle des autres, et hormis le cas où cela violerait une règle précise d’un lieu particulier, vous n’avez rien à dire.

Que vous trouviez ça moche, je l’entends. Moi même j’ai bien des heures sombres à contempler les différents accoutrements sur les parvis des Eglises le dimanche midi. Vous savez, l’ensemble qui fait que vous êtes a priori « compatibles » à ce groupe. Et pourtant, je ne prends pas le temps de cracher sur les croyants du monde entier dans un papier qui ne fait honneur à aucune récompense.

Je vais passer rapidement sur la mention faite à la douleur infligée à son propre petit corps donné en cadeau par le Très Haut, parce que je n’arrive toujours pas à voir en quoi cet argument dérange des gens qui ont la flagellation en amour, embrassent les pieds d’un gars qui a « souffert pour nous » etc… L’histoire de votre confrérie à vous est drôlement plus embourbée dans la glorification de la douleur que la nôtre. Nous c’est un mal nécessaire, vous c’est un mal adoré. Et puis, là encore, on peut réfléchir à cette question de la douleur, c’est plus compliqué que de la montrer du doigt, mais honnêtement, c’est plus intéressant. 

J’aime la douleur du tatouage. Je l’aime parce qu’elle s’arrête, et je l’aime parce qu’elle est unique.
« Ça fait mal comment?
– Comme un tatouage… »
On parle souvent de griffures de chat… d’un chat bien furax bien longtemps à mon avis… mais c’est pas ça pour moi. Cette douleur se définit par son rythme, sa variété d’amplitudes, et son bruit. Elle se définit par le temps de réflexion qu’elle nous donne, parce qu’on cherche à la combattre, alors on s’évade, on essaye de « méditer », ou au moins de se concentrer sur sa respiration, comme on essaye de s’endormir dans son lit quand on n’a pas sommeil. Cette douleur est le tic-tac de l’horloge de chez ma grand mère, quand j’attendais qu’on puisse sortir jouer, ou que mes parents reviennent me chercher… un truc pénible qui annonce un truc vraiment satisfaisant. C’est une étape vers une amélioration de son être. Que vous voyiez cette amélioration comme une abomination n’engage que votre système de croyances, très contestable.

On n’en finit pas, en une demi-page, d’un sujet aussi complexe. Car le tatouage est aussi – et par là j’entre en sympathie avec lui – une tentative d’expression personnelle ; et, peut-être, le succédané d’une œuvre chez des êtres qui n’écrivent ni ne peignent, sinon sous cette forme. Et, dans un monde où tout est censé glisser, s’effacer, comme à la surface d’un écran, ce goût de l’indélébile, si débiles soient les formes par lesquelles il s’exprime, m’apparaît soudain comme une sorte de protestation contre l’insignifiance.

Mais quel talent! Merci de cette sympathie pleine de miséricorde. Je suis heureux qu’il vous soit apparu un élément positif au petit matin, alors que vous sortiez probablement de votre cuite, ivre de trop d’incompréhension de votre sujet, que vous vouliez absolument soumettre à une audience qui allait, c’est certain, être d’accord…  Dommage que votre conclusion parte dans tous les sens… Les farouches alcooliques Bretons chômeurs tatoués du visage qui se faufilent dans les maisons abandonnées… les esclaves romains tatoués sur le front qui prouvent bien que les tatoués d’aujourd’hui sont les esclaves de quelque chose… Sophisme ou paralogisme, je vais vous laisser le bénéfice du doute, mais je penche plutôt pour une fainéantise intellectuelle.

Cher Stéphane, je suis déçu. Je pense que vous avez raison. Je pense que la consommation actuelle du tatouage dans les sociétés occidentale est dangereuse. Je pense que bien des gens se font tatouer pour de « mauvaises » raisons, c’est à dire des raisons qui ne leur sont pas propres. Des raisons qu’on leur a imposées. Peut-être suis-je moi même de ceux là, honnêtement, c’est difficile à dire. Ce que je sais, et ce que je respecte énormément, c’est que quelle que soit la raison qui a poussé quelqu’un à se tatouer, quel que soit son niveau de compréhension au moment de cette décision, il va devoir vivre avec. Il va devoir l’assumer, et il en tirera une leçon bien plus efficace que de se faire traiter d’imbécile par un homme qui n’a pas pris une minute de son temps pour l’écouter.

Cher Stéphane, je suis heureux. Je pense que vous avez tort. Le tatouage est passionnant. Son histoire, ses implications, ses enjeux philosophiques, esthétiques, sociétaux, sont aussi intéressants que ceux de votre domaine religieux. Que vous ne vous y intéressiez pas n’est pas un problème. Mais alors, par pitié, foutez-nous la paix du Christ, ou n’utilisez pas un des aspects qui vous rebute (le consumérisme aveugle? La culture de masse qui n’est plus celle du temps de l’Inquisition? L’expression artistique moins délicate que celle applaudie aujourd’hui et pourtant huée hier au Salon des Refusés? Finalement on n’a pas bien compris…) pour jeter l’opprobre sur toute une culture, toute une communauté, pour le seul bénéfice de satisfaire vos quelques lecteurs déjà d’accord avec vous. Expliquez-leur, relativisez. Soyez Bon.

lancer certains tatoués sur la question de leur programme de tatouages, c’est attirer des réponses étonnamment longues et circonstanciées

Votre article était mauvais. Indépendamment de votre avis qui, lui, n’engage que vous. Je n’ai même pas apprécié être en désaccord avec vous. Mais je n’aime pas les procès injustes, et en tant que tatoué impliqué, à sa petite mesure, dans la vie de la communauté, j’ai ressenti le besoin de prendre le temps d’une longue réponse circonstanciée, en bon tatoué que je suis. J’ai eu envie, l’espace d’un instant, d’être la bannière de mes amis, ceux qui, comme vous, sont agacés par les dérives du tatouage couplé au marketing. Ceux qui, comme vous, ne comprennent pas certaines pratiques ou nouvelles habitudes et s’en inquiètent. Ceux qui, contrairement à vous, j’imagine, mettent leur énergie dans l’éducation plus que dans le prêche. Il n’est pas interdit de penser non plus que développer une pensée longuement est un bon moyen de ne pas avoir les idées courtes.

Enfin soyez rassuré : nous autres tatoués ne jugeons nos contemporains que sur leurs idées et compétences. Pas sur l’encre qu’ils mettent ou non dans leur épiderme. Celle de leurs publications en revanche…

Ludo.

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10 Réponses

  1. Celine

    Merci Ludo ! Et bravo !
    La lecture de l’article de ce monsieur m’a donné la nausée ! C’est bâclé, vide, accusateur, réprobateur. Aucun esprit dans ses propos, juste du jugement, celui là même qu’on nous demande de ne pas porter… Ta réponse est tout simplement parfaite, et tu as sans doute exprimé la pensée de bons nombres de tatoués à la lecture de cet ersatz de pamphlet. Nul doute que son destinataire ne saura pas remettre en question ni même prendre un peu de temps pour réfléchir à ce que tu réponds. Il restera malheureusement borné et étroit, étriqué dans ses courtes pensées, son petit pull sur les épaules, et sa raie bien dessinée au sommet de son crâne.

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    • Ludo-Ondori

      Merci Céline. Tu sais finalement, même si cette lettre lui est adressée, c’est plutôt à nous que je m’adresse. Je n’ai pas d’espoir de le convaincre de quoi que ce soit. Mais quand je vois sur les réseaux sociaux les réactions des tatoués, qui se reconnaissent, qui sont contents, alors je me dis que ça valait la peine.
      Encore une fois, il a le droit de ne pas aimer le tatouage. Mais il n’a pas le droit de mettre à terre tout et n’importe quoi sans honnêteté intellectuelle. Tant pis pour lui, nous on en sort plus fiers et plus respectueux, je crois.

      Merci de ta lecture et ton commentaire.

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  2. Régis

    Ludovic,
    Je suis un piètre écrivain et n’ai pas ton talent.
    Alors merci, merci de ce temps pris pour cette belle réponse au nom des nôtres.
    Je ne connais pas ce Stéphane et n’ai pas très envie de le connaître car les moralisateurs savants me font peur … ce sont des intégristes de la pensée qui mettent en danger nos vies et celles de nos enfants …
    Contrairement à Céline j’ai peu d’espoir que ce Monsieur puisse réfléchir à son pamphlet vide de sens et tellement convenu … et finalement tellement facile.
    Mais ce n’est pas si grave … il ne mérite pas plus … Juste qu’en son fort intérieur il puisse bien avoir honte de son torchon et qu’il comprenne bien que les Tatoués le saluent de bien plus haut que son Christ.
    Merci Ludovic.
    Régis.

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    • Ludo-Ondori

      Merci Régis! J’avoue que je ne connais pas le niveau de son engagement religieux. J’ai été un peu véhément sur ce point en raison du journal plus que de son papier qui évite soigneusement trop de références. On sent bien l’idée pourtant, et puisque le monsieur y publie fréquemment, je ne peux pas le dédouaner totalement de cet aspect.
      Les piques à la religion m’ont été (évidemment) reprochées, et je veux bien admettre qu’elles ne sont pas la meilleure partie de ma réponse, mais la chair est faible, et je n’ai ni le talent de l’écrivain professionnel, ni l’esprit suffisamment fin pour éviter les tacles trop évidents haha. Tant pis, Dieu me pardonnera, lui!

      Merci pour la lecture et le soutien Régis!

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  3. ToM

    Très cher Ludo,

    Je ne te connais pas, mais je tiens à te remercier pour cette réponse. Puisse-t-elle atteindre l’outrecuidant, imbu de sa plume et de ses idées arrêtées, qui l’a motivée. Non content de le renvoyer à son étude, cette réponse propose d’excellents sujets de réflexions et constitue un témoignage précieux – de ce que nous autres, tatoué.es, vivons dans la chair et dans la société, sous l’Aiguille et dans les salons où nous nous croisons. Tu as su lever la rage que l’article initial avait suscité en moi.

    Merci infiniment et… Bien joué !

    ToM

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  4. Gilles

    Votre réponse n’est peut-être pas parfaite mais elle est excellente.
    Si elle a été lue de bout en bout par l’auteur de l’article, il aura au moins compris que les tatoués ont une culture qui ne s’arrête pas à celle de masse et qu’ils peuvent aussi écrire des phrases avec du vocabulaire élaboré.

    Au delà de la réponse, je trouve le passage sur la douleur particulièrement juste, tout es synthétisé en quelques lignes, je m’y retrouve complètement.

    Je l’avoue, je n’aime pas non plus tous les tatouages qui croisent mon regard.
    Mes tatouages ne plaisent pas non plus à tous les tatoués mais je me sens bien avec eux car comme pour chacun, ils ont une histoire, une raison, aussi futile soit-elle, elle existe, c’est ce qui fait de cet acte quelque chose de passionnant.

    Un art qui a évolué au fil des années avec des techniques différentes, de plus en plus précises, des codes qui eux aussi ont évolués. On ne pique plus aujourd’hui comme il y a 10, 20, 30, 40 ans et on ne pique pas comme dans 10, 20, 30 ou 40 ans.

    La culture et l’histoire du tatouage est riche et je l’aime car elle me passionne.
    A chacun son truc, vous l’expliquez très bien. Parfois un peu fort ? Non même pas en fait.

    Ce n’est pas non plus la seule passion qui capte mon intérêt n’en déplaise à Stéphane et sa bonne pensée.

    Même avant de passer du côté obscur des tatoués, je n’ai jamais reçu de crachat de la part membres de la masse à qui je posais des questions (même parfois idiote, pardon les amis), peut-être parce qu’elles étaient posées sous l’angle de l’intérêt pas du jugement.

    Et non, porter ne l’encre n’empêche pas de réfléchir, pas plus qu’une chemise et une cravate ne rend une personne plus … plus … plus … tout.

    L’habit ne fait pas le moine !

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    • Ludo-Ondori

      Merci Gilles! Oui parfois j’attaque un peu fort, mais il ne faut pas oublier que lui a écrit son article à partir de rien, son avis, un besoin éditorial peut-être, moi c’est une réponse à un sentiment d’agression et de mépris.
      Vous avez parfaitement résumé les choses! Merci de votre lecture!

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  5. Janina Tomimoto

    Ton talent d’écrivain n’est plus à prouver, Ludo. Tu as puisé dans l’encre qui est encré/ancrée dans ton corps pour nourrir celle de ta plume et le moins que l’on puisse dire c’est que ça imprime les esprits !
    Une dernière petite question : comment faites-vous, toi et Pierre pour écrire aussi remarquablement bien, trouver le mot juste et atteindre le cœur du lecteur/de la lectrice ?
    Je ne m’étais jamais intéressée au tatouage et je dois avouer que cela m’indifférait. Tu as su montrer que c’était un art à part entière.
    Ces graveurs-peintres-sculpteurs qui sont de grands créateurs ne sont pas respectés à leur juste valeur. Ceci dit, comme dans toute production artistique, il doit aussi y avoir des croûtes donc il faut bien choisir son tatoueur.

    Répondre
    • Ludo-Ondori

      Merci Janina! Quel plaisir de lire un commentaire de toi ici! Tu me compares à Pierre, mais honnêtement je ne pense pas que mon « talent » d’écrivain atteigne son niveau. Probablement pas non plus celui de ce monsieur Audeguy. Mais je sais écrire simplement, comme je parle et comme je ne suis pas un mauvais orateur, ça fonctionne.
      En tout cas je suis ravi que cela t’ouvres des perspectives sur le tatouage, c’est, tu le sais, mon seul objectif. De toute façon tout devient intéressant quand on écoute les passionnés, ce que clairement cet homme n’a jamais fait.

      Pour les croûtes ça oui, il y en a… mais comme on dit chez les tatoués : surtout, faut pas gratter haha!!

      Répondre

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