C’est l’histoire d’un gars, qui tatoue des histoires, histoires de sensibilité, d’amour ou bien plus sombres, mais que des histoires, rien d’autre, il pose ses traits sur nos mots, nos mots sur notre peau , rencontre avec Métamose, le nouvel ovni du tatouage.

Une petite présentation pour les lecteurs d’Inkage ?

Don, 23 ans, Paris, jeune conteur d’histoires sur peau, amoureux des ornithorynques, du rap, des machines à écrire et de l’odeur du vieux papier.

Je danse sous la pluie de l’Univers. {Où il est question de l’Univers, de la Guerre des Chocolats, de l’immensité et d’une petite planète à soi}

Qu’est ce qui t’as donné envie de tatouer et depuis quand tatoues tu ?

J’ai voulu faire de la BD et on m’a tellement répété que je fonçais dans un mur que je me suis orienté dans le graphisme. La comm visuelle. Mais trop de briefs, cahiers des charges… La liberté est bien plus forte et belle lorsqu’elle se trouve à travers les obstacles. La découverte du monde du design graphique et ses studios (Icinori notamment) m’a ouvert les yeux sur l’impact des formes, le fait qu’on puisse exprimer une chose de manière synthétique, directe et non par des lieux détournés, mais interprétés. Agencement. Structure. Composition.
Mais au final ce qui m’a toujours surtout intéressé, ce sont les histoires. Raconter.

Je me fais tatouer depuis mes 18 ans, mais je ne m’étais jamais projeté en acteur sur cette scène. Ce sont les gens autour de moi, mes amis, mes proches, à force d’entendre ici, là : mais au fait, toi qui aimes tant ça le tatouage, pourquoi tu n’essaierais pas ? Un jour je me suis dit mince, c’est vrai que ça pourrait carrément coller en fait ! Un mélange de liberté de création pure et en même temps d’abandon de son ego pour trouver juste ce qui va combler la personne qui te confie son corps. Magique.
Un moment décisif dans mon parcours artistique et intérieur a été le jour où je me suis fait tatouer par Kev et Jade d’Expanded Eye. Je ne pense pas que je tatouerais sans avoir vécu la journée surréaliste que j’ai passée avec eux, cette énergie folle partagée.
Alors j’ai pris plusieurs mois, sans même penser au matériel, à la technique en soi, déjà : est-ce que ce que les gens porteraient ce que je dessine, est-ce que ça va les toucher ? C’est comme ça que j’ai commencé à demander à des amis de me raconter de « faux » projets : des souvenirs, des mots, un rêve, une musique, n’importe quoi qui vienne d’eux et que je me suis mis à interpréter et à raconter à ma manière. Je suis revenu vers eux, j’ai vu que ça pouvait marcher, que mon travail pourrait plaire sur corps, et alors uniquement à partir de ce moment là j’ai pris la décision de me lancer dans l’apprentissage du tatouage.
Ça fait 6 mois que je tatoue, c’est encore tout récent ! Et je me rends compte que je fais exactement ce que j’ai toujours voulu faire.

ALPHABETS {Où il est question de microcosme et macrocosme, de lumière solaire et d’ombre, d’une grand-mère et son héritage culturel, de pluralité intérieure ou encore d’arbre-pilier. De donner corps à ses sentiments}

Parle-nous de ton style, qui est plus qu’atypique en matière de tatouage, comment le définirais-tu ?

En fait, c’est un mélange de spontanéité, d’impulsion et de réflexion intense à la fois. Disons que mes mains vont tracer ce qu’elles veulent, ce qu’il y a au fond de moi sans passer par ma tête, mais uniquement à partir de ce que j’ai écrit, donc ça reste super construit, « pré-programmé » : tout est écho. Je structure les différents éléments à aborder, je priorise les émotions selon le projet confié, je segmente en chapitres comme un story-board et seulement ensuite, je me laisse complètement aller. Si je réfléchis trop passé cette phase, ça ne va clairement rien donner. Parce que j’aurais dessiné par complaisance, par ego, mais non, ce n’est pas honnête alors je dois recommencer, repartir au début, me replonger dans la structure, dans les mots, les différents chapitres puis tenter à nouveau de me laisser aller.

Petit, je remplissais mes pages parce que la création était strictement cathartique, c’était de l’émotion pure, brutale. Puis j’ai voulu re-descendre d’une marche que j’avais loupée, et j’ai fait des études de graphisme pour réapprendre à dessiner, bien proportionner, comprendre la lumière, l’anatomie, bref tout bien mettre en place. C’est venu peu à peu, je savais réellement bien dessiner ! Un truc qui tienne en place, et qui fasse l’unanimité d’un putain de jury imaginaire !

Et au final, je suis en ce moment dans une troisième phase : je désapprends à dessiner, parce que ça ne m’intéresse pas « d’envoyer ». Tout ce qui me tient à coeur c’est de toucher au plus près des gens, de cracher quelque chose d’intact. A la manière d’un enfant. Un enfant ça ne réfléchit pas à ce qu’il dessine, ça ne se projette pas en les autres pour se dépasser ; il fait, c’est tout. Et là ça devient intéressant. Garder intacte l’émotion des choses.
Alors voilà, ça donne un peu ce que je fais je suppose, un mélange de fragilité, d’erreurs et d’implication monstrueuse à la fois, une recherche absolue des choses qui nous entourent et de toutes ces choses foireuses qu’on a en nous. Un truc improbable.
C’est la raison pour laquelle mes tatouages sont une composition de différents éléments qui se parlent, qui communiquent ou essaient de communiquer, dans la réussite ou l’échec de leur entreprise sensible.
Chaque pièce est une honnête tentative de retranscrire l’autre à travers notre monde et les émotions. Et si ça ne l’est pas, je recommence. Et je recommence.
On peut ne pas aimer ce que je fais, mais on ne pourra jamais dire que je ne donne pas tout ce que je peux dans ce que je fais.
Je ne peux pas vraiment définir moi-même mon style, mais s’il est « atypique en matière de tatouage », je pense que c’est avant tout parce que je ne pense pas en matière de « tatouage« .

La danse de la machine à écrire {Les mots sont mon corps Ma chair écrit en se froissant sous la caresse de tes lèvres}

Pour te faire tatouer, envoie ton histoire, tes mots, tes envies », dis moi, comment composes tu tes tattoos ?

Tout d’abord je prends énormément de temps pour me plonger dans une histoire, ou dans les mots, les thèmes qui m’ont été confiés. Parfois ça peut être long, par exemple sur ce projet, Frontières Fantômes, qui traitait d’un personnage de jeu vidéo, Snake (Metal Gear Solid) : moi qui n’ai jamais approché le monde des jeux vidéos, ça a été un véritable défi que j’ai pris énormément de plaisir à relever. J’ai passé des jours à mater les trailers, l’histoire des persos, les croquis de designers…

Je commence toujours par écrire avant de dessiner quoi que ce soit – l’histoire que j’écris est remise avec le visuel du tattoo en même temps à la personne et tous deux ont autant d’importance, le tatouage ne peut aller sans l’histoire que j’ai écrite avec, et vice-versa évidemment.
Je romanise, j’interprète, je donne naissance à des personnages, je donne une voix à des concepts physiques (Eau-Delà, tatouage réalisé pour une physicienne)…
Puis ensuite quand les nuages passent et que l’histoire se clarifie je commence à dessiner : je trace lignes, points… Uniquement en écho à ce que j’ai écrit.
Ca me permet de ne pas me laisser submerger outre-mesure par ma propre imagination, mon vécu. Je dessine en réponse aux mots. Et si je n’ai pas assez de « matière », je reviens vers la personne, je lui pose des questions, j’essaie d’en savoir plus sur elle, sur ce qu’elle m’a écrit, et on dialogue jusqu’à ce que je puisse repartir sur mon chantier avec mes outils.

Je dois ajouter une chose. Dans l’absolu, je ne modifie pas le visuel achevé. Non parce que j’ai la flemme de retravailler à nouveau, mais parce que ça fait partie de ce que j’appelle la beauté du geste (il me semble que ça vient d’Holy Motors, qui m’a touché par sa « beauté du geste » justement). Ca introduit déjà l’idée de prise de distance avec son corps, d’une prise de conscience, d’une acceptation – c’est presque spirituel.
Modifier ce qui a été fait, retirer un point, faire basculer une ligne, c’est comme si on me demandait de retirer un mot d’une phrase, parce qu’après tout, la phrase parait plus jolie sans ce mot, mais non, si je retire ce mot, la phrase n’a plus de sens, et là on raconte une histoire. Une histoire inaliénable, faite de choses belles mais aussi d’erreurs, de ratures, de reprises : nos vies en somme ! Et enfin, le titre. Impossible autrement. Toutes les histoires de ce monde ont un titre.

J’essaie de plus en plus de faire participer la personne de manière « ludique », de créer comme une petite vie, un espace-temps entre elle et moi le temps de la création. Par exemple, pour le dernier réalisé, « Au milieu des étoiles, j’écris mon nom », j’ai du donner vie à un corps synthétique extra-terrestre. Je commence à dessiner la tête, à base de lignes (quasiment jamais de véritables visages, ça fige une identité alors que des mains par exemple peuvent exprimer tout autant d’émotions en demeurant « ouvertes » physiquement), et là je me dis, merde, cet être est censé nous dépasser conceptuellement parlant, et je suis en train d’abîmer le coeur même du projet en essayant de lui définir un corps.

Comment dessiner ce qui ne peut être nommé, photographié, figé, au-delà de nous ?

Je lui ai ainsi demandé de me dessiner une planche de formes abstraites de manière inconsciente, un peu à la manière des surréalistes, sans lui expliquer la nature de la demande, et sans savoir si ça allait donner quoi que ce soit. Je la reçois le lendemain, et je me suis mis à générer une forme aléatoire à partir de morceaux sélectionnés au hasard dans ses formes : l’identité de cet extra-terrestre était née, à travers l’inconscient de la personne qui porte le tatouage !
Cette expérience n’aurait pu se faire qu’avec cette personne pour ce projet, et c’est ça qui est dingue, ce sont les combinaisons uniques qu’offrent ces projets selon les gens.
Et je les remercie infiniment de me donner cette confiance et de vivre ces expériences jusqu’au bout. C’est incroyable.

Frontières Fantômes {Où il est question de Metal Gear Solid,de The Big Boss alias Snake, de cité nucléaire, de l’honneur et de l’indépendance, de la vengeance et du monde des Hommes.}

Pourquoi ce choix de tatouer des histoires ?

Je n’ai rien contre les tatouages purement esthétiques, au contraire même, mais ce n’est juste absolument pas la vision que j’en ai. Pour moi le plus beau tatouage qui existe c’est le corps lui-même, pas besoin d’en faire un tunning : l’avant-bras d’un homme, le sein d’une femme, les courbes, les angles cassés…
Le corps m’obsède, à travers le toucher, Egon Schiele ou encore Hans Bellmer. Pas de tattoo là-dedans.

Un tatouage c’est pour moi avant tout le sacrifice de ton corps, au profit d’une idée si forte que tu ressens le besoin, la nécessité, le bonheur – ou la douleur de devoir l’extirper de ta tête (un peu comme la pensine de Dumbledore et les filets de pensées qui sortent de la tête) pour venir l’imprimer à vie dans ta chair.
Ça me permet aussi de mon côté, de découvrir les gens, sans jamais juger, juste prendre et donner. J’ai initialement une vision assez noire de l’humanité et des gens, et ce projet Métamose c’est mon désir absolu de me lier à ce monde que j’ai fui d’une certaine façon. Je ne reste pas dans l’ombre de ma propre histoire : je lève la tête, j’ouvre grand les yeux, les oreilles et je prends parce que les gens ont beaucoup à donner. Je m’investis pour la personne, parce que cette personne s’est ouverte à moi, je pourrais dire que c’est une relation psychanalytique, mais où l’on est tous deux patients et tous deux docteurs de l’autre, mais je vais simplement dire que c’est une relation humaine. Ce qui est sûr, c’est que la personne tatouée et moi, on repart avec quelque chose de plus qu’à l’arrivée, et pas que dans la peau, on a trouvé quelque chose en plus sur notre chemin.

Il y a beaucoup de poésie, de douceur dans ces histoires, elles sont écrites par tes clients, ou les composes tu avec eux ?
Du coup avec toutes mes digressions, j’ai déjà répondu à cette question !
Certaines personnes m’envoient parfois l’écriture de toute leur vie, d’autres fois une expérience, ou encore des mots-clés, des notions, des thématiques, des titres de musique qui les ont touchés pour une raison ou un autre… Ils me parlent d’une grand-mère partie trop tôt, de leur passion pour l’eau, d’une figurine en bois dans le fond de leur poche de jean d’enfant… En fait, j’attends juste qu’on me parle de quelque chose, moi à partir de ça je vais me mettre à écrire ce que ça m’inspire.

Ce qui est étonnant, c’est que lorsque je dessine pour moi, dans mes travaux personnels, on ne trouve plus cette même douceur : c’est beaucoup plus amer, sombre, agressif. Le fait que je m’investisse pour quelqu’un d’autre me fait sortir le meilleur de moi-même, ou du moins, la partie la plus lumineuse de ma personne.
Et pour la poésie je pense qu’elle provient de mon amour pour les mots et l’image qui m’ont toujours bercés, sans même parler du tatouage : Baudelaire, l’univers de Nicolas de Crécy, les compos de Sergio Toppi, les envolées de Moëbius, Miyazaki, les films de Jodorowsky, Michel Gondry…
Au-delà des histoires, je sais que beaucoup de gens trouvent la poésie justement dans mon trait maladroit, mes erreurs de proportions, mes mains décortiquées… Et je dois remercier Tarmasz, non seulement pour son soutien depuis le début de mon « arrivée », mais aussi sans qui je n’aurais pas osé poser mes traits sur peau : quel coup de cœur ça a été de la découvrir il y a quelques années, de voir ces dessins tout tordus ! Cette poésie.
Que la nature d’un projet soit sombre, violente ou légère, je pense que oui, en effet je m’efforce de rendre poétiques et douces les histoires que j’écris : les gens méritent du positif sur leurs corps. La résilience à travers la chair, peu importe ce qui a été vécu.
J’ai une anecdote : on m’a confié une histoire très touchante où il était question d’alcool et de médocs, la première version qui est sortie de ma tête était une vision décalée d’un vieux joueur d’accordéon à tête de bouteille de vin à moitié vide et sa compagne flûtiste, cheveux bouclés sur tête de pilule d’amphétamine. J’ai voulu créer un univers un peu baroque, acide, joueur pour transformer de la douleur en sourire – un peu à la manière du cours sur les épouvantards, que les élèves de Poudlard doivent transformer en ridicule pour vaincre leurs peurs. Après avoir pris du recul, j’ai réalisé que ma façon de traiter cette histoire était inappropriée, et j’ai jeté tout ce que j’avais fait à l’autre bout de l’appart. Une personne vient se confier à moi et évoquer ce sujet sensible, et je me permettrais de tourner la sauce en farce, à vie gravé sur un dos ? Hors de question. Alors j’ai repris le projet depuis le début, et j’ai fait de cette bouteille de vin et de ces cachets des reliques fantômes plongées dans les fonds marins. Des souvenirs précieux qui ont engendré de la force. Quelque chose d’impossible sans ces reliques.

Cœur de Mousse {Où il est question d’amour,d’une vie partagée avec un homme et un enfant,de donner la vie,d’une famille de chats.}

Refuses-tu certains projets ? Pourquoi ?

Question très intéressante !
Je me la suis posée, à la réception d’un projet. J’ai lu le truc, et je me suis demandé comment on pouvait avoir regardé mon travail et imaginer que je puisse faire quelque chose avec une histoire du genre. J’ai écrit à la personne pour savoir si elle avait bien observé ce que je fais, elle m’a répondu carrément, et qu’elle adorait. J’ai relu son histoire, j’ai pris plusieurs jours pour réfléchir : je ne me voyais pas réussir à créer, dans mon style un peu étrange, dissonant. Est-ce que je devais refuser les projets qui ne m’inspirent pas instinctivement, dans lesquels je ne me retrouve pas ?
NON !
Parce qu’il ne s’agit pas de moi ! Il s’agit de l’autre ! Si l’autre a ressenti quelque chose dans ce que je fais et qu’il vient me demander un truc, alors c’est que j’ai quelque chose à lui apporter. Je n’ai pas à juger de l’intérêt d’une histoire, son intensité, que X soit partie à la rencontre du Dalai Lama ou que Y me parle de son chapeau préféré, je n’ai pas à faire de distinction. Chaque personne, chaque vie a autant de beauté, peu importe ce qu’elle dévoile et ce qu’elle cache, donc je ne choisis ni ne juge une épiderme ou une autre.
ET SURTOUT, qu’on sorte ensemble quelque chose qui vienne du fond, un partage.

Si on veut porter l’une de tes œuvres, où peut on te trouver ?

Je tatoue depuis peu aux côtés de Tarmasz, chez Julia Sweet Needle, Julia qui m’a accueilli tellement gentiment alors que je commence tout juste.
Son shop se trouve à Fontenay-sous-Bois, juste à côté de Paris.
Après ça dépend aussi de mes déplacements, le mieux c’est de voir ça directement avec moi sur ma page facebook ou par mail à l’adresse [email protected] !

Eau delà, récit d’un physicien {Ou l’aventure d’un petit homme rétréci à 1cm, fasciné par les phénomènes physiques de l’eau}

Est ce un pari osé que de se lancer dans le tatouage avec un style comme le tien, qui peut ne pas être compris par beaucoup de personnes ?

J’ai lu un livre récemment, Mercure Insolent de FJ Ossang (aussi réalisateur de Dharma Guns entre autres). J’ai bien mis une moitié de livre à pouvoir rentrer dedans, parce que jusque là j’étais là : « Mais qu’est-ce qu’il raconte !!!! », à décortiquer la langue comme des pelures d’oignon et à les recoller en cadavre exquis sur un mur sans tapisserie, boum, ça arrivera comme ça arrivera, j’ai sorti ce que j’avais à dire. J’ai trouvé ça dingue. Mais j’ai bien failli ne pas réussir à rentrer dedans, en fait le moment où j’y suis parvenu est le moment où je n’ai plus essayé quoi que ce soit. Les mots sont rentrés en moi sans cortex, fluides. Ce n’était pas une mauvaise réponse, je ne posais pas la bonne question. Brut.
Je ne pense pas que mon travail soit difficile d’accès comme Mercure Insolent, en revanche je pense que pour rentrer dedans, il faut inévitablement se poser, et chercher méta : au-delà !
Il faut avoir l’envie de découvrir et de se poser les bonnes questions, il faut prendre plaisir à se laisser un peu perdre et se raccrocher aux mots (qui peuvent être longs, comme en attestent mes réponses:) ).
Tout va vite, trop vite. On ne prend plus le temps de faire les choses, de rentrer dans une œuvre, l’univers de quelqu’un.
Instagram, par exemple, est une vision furtive : PAS LE TEMPS ! Déjà sur facebook, on peut lire le début de l’histoire le temps de la clope, repérer deux trois détails qui nous avaient évités dans la composition du tatouage… Pas le temps de finir le texte, tant pis, quelque chose a peut-être été entendu malgré tout !
Il suffit de rien.
Il est sûr, au-delà du fait que je suis « là » depuis peu, que j’ai moins de demandes qu’un tatoueur qui fait des choses plus classiques : mes tatouages ne sont pas tendance, la beauté n’est pas première ni frappante, le fait de partager des choses avec un inconnu peut être difficile…
Une fois tout cela dit, je me dois de nuancer : on est en pleine ère de tatouage libéré, et on découvre des trucs de plus en plus impensables, fous ! Bouits, Köfi, Piet Ducongo… On ressent de plein fouet cet épanouissement graphique et artistique.
Donc pari osé, à la fois oui et pas du tout au vu de ce contexte !

Quelles sont les principales réactions face à tes tatouages ?

Les moments les plus beaux que je vis depuis que j’ai commencé sont les retours lors de l’envoi du travail finalisé – comme c’est le début et que c’est une voie super difficile, il m’arrive souvent de flancher, et des messages comme ceux-là me redonnent de la force pour continuer – impossible de les oublier, et les réactions en fin de séance : après le sang, la sueur, les rires hystériques et les gémissements : la putain de consécration, et ce malgré les erreurs et tout ce qui peut se passer. C’est unique. Radieux.
Sinon de manière générale, au quotidien les réactions sont très positives, les gens sont réceptifs au décalage, à la fragilité, à l’implication humaine et à l’aspect fou des créations. Ce qui me touche le plus c’est la diversité des milieux des retours : mères au foyer, designers, dj, cuisiniers, architectes, physiciens, dans la politique… Ca ne touche peut-être pas grand monde au vu du style, mais ça touche un peu à toutes les surfaces, ça tape à toutes les maisons, et les gens qui ouvrent leur porte pour moi ce sont juste et avant tout des êtres humains. Et sans eux je n’aurais rien accompli jusque là !

Mon jardin, votre secret {Ou une histoire des 3 Singes de la Sagesse, d’une statuette en bois, du silence et de quête de sérénité.}

Pourquoi Métamose ?

J’ai toujours été fasciné par le concept de métamorphose. Le passage d’un état à un autre, l’idée de cycle, de transformation, de quelque chose d’éternel, de subsister sous une autre forme. La métamorphose du temps, de notre planète, des éléments : tout est lié, et la métamorphose me rappelle que l’on provient toujours d’un point qui a été pour aller vers un point inconnu – la « mort », par exemple, est certainement un point entre ces deux points.
Cette passion pour la métamorphose m’est parvenue en trois temps je crois : le premier, à travers les livres de Serge Brussolo, ceux pour adultes que je prenais un malin plaisir à lire étant enfant. J’y ai découvert un monde fou, extrême, peuplé d’êtres organiques hybrides en perpétuel mouvement : rien ne tenait en place, la folie d’être était trop puissante et faisait dévier corps et esprits.
Le deuxième temps a été la découverte de la Métamorphose de Narcisse de Dalí, je voulais tellement plonger au cœur de ce chaos organisé que j’ai dessiné une bd dans laquelle je me projetais en un peintre qui finissait par pénétrer sa propre toile, et cette toile était curieusement proche de celle de Dali !
Le troisième temps a été la découverte de William S Burroughs et les vieux films de Cronenberg, où j’ai pris de plein fouet le parallèle direct entre émotions et transformation, jouissance de l’organique… Puis les folies de Matthew Barney (le cycle Cremaster) et d’Andrew Thomas Huang : des choses en mouvements, un truc qui dégage une énergie extra-terrestre.

« Méta » exprime en grec cette idée d’au-delà, du changement : voir au-delà des choses. J’ai retiré la partie de la mise en forme (mórphôsis), que je ré-introduis directement par mon travail – pour aller directement à « ose », OSER ! OSER FAIRE DES CHOSES, peu importe ce qu’en disent ou pensent les gens, malgré les doutes et les carcans.
J’essaie toujours de voir au-delà des choses, au-delà de moi-même et mes propres barrières, mes peurs. J’essaie de me transformer en l’autre, l’autre prend de moi, et au final la métamorphose opère, quelque soit le résultat produit, on avance.

A terme j’aimerais donner naissance à un véritable terrain d’expérimentation Métamose, une plate-forme pluridisciplinaire où le tatouage côtoierait des sculptures, des toiles, de la 3D, de la typographie, un lieu de rencontre entre les gens, de découverte et d’expression totalement libérée.

Peux tu me parler de tes projets ?

Je suis très emballé par un joli projet de tatouage, à la fois tendre et écorché vif qui sera tatoué en octobre normalement : un travail plus éclaté et l’accord de partir en improvisation sur des jetés de couleurs, des teintes qui sortiront suivant ce que les émotions de l’histoire généreront sur le moment !
J’ai reçu ces derniers jours des choses magnifiques dans lesquelles je vais très bientôt me plonger.
Je vais peut-être aussi poursuivre mon expérimentation dans la sculpture d’argile, j’ai entrepris une série de bustes antiques soumis à des déformations, briser les canons de beauté pour en découvrir une autre, plus grande et cachée…
Viendra le jour où je me lancerai dans un roman graphique, mais je ne suis pas encore prêt, je laisse reposer pour le moment.
Et aussi peut-être une collaboration avec une artiste de la scène internationale queer… Mais je ne peux pas en dire plus parce qu’il n’y a rien de sûr encore !
En tout cas j’aimerais tisser des liens avec le monde de la musique, les pochettes d’album, vynils, affiches… C’est quelque chose qui me tente bien.
Le monde de la mode aussi, quand je regarde des univers comme KTZ (KokonToZai), l’univers stylistique de Björk, les superpositions de matière de Ximon Lee ou les douceurs ultimes de Niels Peeraer, ça me donne une furieuse envie de métamorphoser les gens et de faire de ce monde une putain de fête d’êtres hybrides ! Bref, j’ai envie de faire plein de choses, et de tatouer, tatouer en premier lieu bien sûr, faire des guests si possible, découvrir, voyager, ça se fera selon les opportunités, les rencontres…
Mais dans l’instant, mon projet c’est avant tout de me taper la vaisselle.

Le voyage du musicien {Où il est question de musique, de légèreté et d’aérien, de sombre et de noir.}

Un petit mot pour la fin ?

Merci beaucoup pour toutes ces questions, merci Inkage.

Quatre minutes 33 secondes de silence.

…Et un immense merci à tous mes proches, qui me soutiennent dans ce projet.
A tous ceux qui m’ont fait confiance et qui sont devenus mes clients, et à tous ceux qui m’envoient des messages au quotidien !

Don

Au milieu des étoiles, j’écris mon nom {Où il est question d’un laboratoire secret, d’êtres synthétisés artificiellement, d’une organisation secrète, d’une attaque de pirates de l’espace, d’expériences corporelles et de la planète bleue.}

Les graines de Troie – {Où il est question de rencontre, d’une bulle en dehors du temps, des liens créés et d’un beau souvenir}

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Une réponse

  1. Romane

    Oh il a l’air trop cool cet être humain ! Vraiment, tous ses mots m’ont fait du bien car la manière dont il raconte ce qu’il fait est tellement authentique ¡ J’ai eu l’impression de lire un ami. Super interview

    Répondre

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