Ce qu’on pense des emissions de tatouage

Aujourd’hui nous vous proposons un regard croisé entre les 2 mâles de la team. Le sujet? Les émissions de télé réalité sur le tatouage… voyons si on est d’accord.

L’avis de Quentin

Il ne se passe pas une semaine sans qu’un client de notre boutique ne nous parle des émissions de télé consacrées aux tatouages comme Miami ink ou Best ink. Même si je ne suis pas contre l’idée de parler de la profession de tatoueur dans des émissions, le principe de celle-ci me pose de nombreux problèmes.

Le premier point qui me gène considérablement dans ces émissions, c’est le principe de polyvalence imposé aux artistes participants. Il n’y pas un épisode où l’on n’entend pas cette fameuse phrase  » Un tatoueur doit savoir tout faire ! « . Dans ces émissions les tatoueurs doivent savoir faire du réalisme, du old school, du new school, du graphique et j’en passe. Mais quel aberration, mon dieu que ça m’énerve ! Demande-t-on à Eminen de chanter de l’opéra ? Aurions-nous demandé à Picasso de faire du figuratif comme Delacroix ? La réponse est non, car il est normal qu’un artiste ce spécialise dans un style, dans celui où il est bon, mais surtout dans celui qu’il aime et dans lequel il se sent à l’aise. Et la quasi totalité des grands tatoueurs sont spécialisés dans un ou deux styles. Ainsi Matteo Pasqualin ou Silvano Fiato ne font que du réalisme, Sasha Unisex ne réalise que des tatouages dans son style aquarelle si particulier. Je pourrais en citer des centaines comme ça mais je pense que vous m’avez compris.

Le problème c’est que cette fausse idée influence les spectateurs, qui pensent à leur tour qu’ils peuvent demander n’importe quoi à leur tatoueur. Ils pensent ainsi pouvoir faire réaliser leurs tatouages old school par un pro du réalisme alors qu’il feraient mieux de s’adresser à un spécialiste du genre.

Autre point gênant à mes yeux, le choix des artistes tatoueurs, ces émissions sont soi-disant à la recherche du meilleur tatoueur mais dans les faits, ils sont plus à la recherche de personnalité forte pour accrocher le spectateur, que d’artistes d’exceptions. On ne peut pas trop en vouloir aux producteurs qui ont des contraintes d’audimat et de rentabilité, mais on peut leur en vouloir pour le mensonge de base. Dans ces émissions les tatoueurs sans être mauvais sont tout de même loin du postulat de départ (je pense ici particulièrement à Best Ink), même si parfois il y a tout de même de bons très artistes comme Teresa Sharpe ou Roman Abrego mais c’est tout de même dommage de ne pas avoir recruté des artistes comme Jeff Gogue ou Carlos Torres.

Un tatouage réalisé par Dmitriy Samohin, le type de tatoueur qu'on aimerait voir dans une émission.
Un tatouage réalisé par Dmitriy Samohin, le type de tatoueur qu’on aimerait voir dans une émission.

Car le problème ici c’est que les spectateurs pensent voir dans ce genre d’émissions la crème des tatoueurs, ce qui biaise leur vision de ce qu’est un très beau tatouage, habitués à voir des réalisations moyennes vendues comme des merveilles. C’est ainsi que beaucoup de personnes glorifient Kat Von D comme la meilleure tatoueuse du monde… si la californienne réalise de beaux tattoos, 5 min sur la page facebook de Moni Marino vous montreront qu’il y a bien meilleur en matière d’artistes féminines.

Autre chose qui me dérange profondément dans ce type d’émissions ce sont les « volontaires » qui se font tatouer par les artistes présents. On le répète assez, se faire tatouer est un acte important qui doit être réfléchi et surtout il est important qu’il y ait un bon feeling entre l’artiste et le client. Ici c’est tout l’inverse, dans certains cas les clients ne choisissent même pas l’artiste qui les tatoue, et n’ont parfois que quelques heures pour élaborer le projet puis le réaliser avec des contraintes de temps. Le cocktail parfait pour réaliser un mauvais tatouage qui sera rapidement regretté par le porteur.

En plus le tatouage passant devant un jury, le tatoué sait directement ce qui ne va pas sur son tatouage… Il y a peu, est passé un épisode où un homme se fait réaliser un babouin qui hurle sur le torse, le résultat était très très mauvais, la personne se retrouve avec une abomination sur lui et le pire c’est que tout ses proches ainsi que des millions de spectateurs le savent, dur à assumer.

Enfin dernier point qui m’énerve et qui fait écho à un autre point au dessus sur le choix des tatoueurs et leur personnalité. La production ayant préféré choisir les tatoueurs plus en fonction de leur personnalité que par rapport à leur talent, on se retrouve avec une sélection d’artistes grandes gueules, excentriques et parfois à l’ego surdimensionné, ne supportant pas la critique et se faisant la guerre en permanence. Pas une émission sans une engueulade entres artistes dans Best Ink. Et cela est fort dommage car chez les grands artistes, il existe une bonne ambiance et les artistes aiment à échanger entre-eux. Bien entendu, comme partout, il y a des inimitiés entre tatoueurs mais ici tout est exacerbé et je trouve de mon point de vue que cela donne une mauvaise image des tatoueurs.

Bref vous l’aurez compris je ne porte pas dans mon cœur ce genre d’émissions, même si cela permet de démocratiser un peu plus le tatouage dans notre société, ces émissions ne le font pas de la bonne manière. J’aurais préféré une émission plus pédagogique, montrant comment bien choisir son tatoueur, son motif, montrant le travail des meilleurs artistes du monde, une émission qui au lieu de faire dans le spectacle, sublime notre art préféré mais on peut toujours rêver.

 

L’avis de Ludo Ondori.

Plop les escalopes encrées ! Aaah les émissions de télé-réalité… en tant qu’expatrié, je ne peux que me réjouir chaque jour de ne plus y mettre les yeux. Mais je dois dire que, naturellement, j’ai décidé de tremper mon regard dans les reality shows américains sur le sujet qui me passionne. Alors pour être clair, j’ai regardé quelques épisodes de tout ce qui se fait, mais seules Tattoo titans, Tattoo Wars (format assez différent) Ink Master et Tattoo Nightmare ont été assez « intéressantes » pour que je regarde la totalité -j’ai suivi la saison 5 d’Ink Master en direct et je peux déjà t’annoncer, si tu l’as pas vue, que je l’ai détestée… – Alors disons-le clairement, je suis à la fois d’accord avec Quentin, et plus nuancé. Je ne vais pas revenir sur ce qu’il a dit, moi aussi je trouve drôlement stupide de demander à un artiste de tout savoir faire, de le faire dans une contrainte de temps, et d’entretenir un esprit de compétition (si t’as pas encore vu la saison 5 d’Ink Master tu vas comprendre jusqu’où ils ont poussé le vice avec leur concept « Rivals »… c’est pathétique.)

En revanche, je trouve que c’est aussi la responsabilité du spectateur de faire la part des choses, et de comprendre que toutes ces stupidités répondent à une logique télévisuelle, et en aucun cas à une réalité du tatouage. Je ne suis pas tatoueur ni ne travaille dans un shop comme mon ami Quentin, donc vraiment je comprends que devoir expliquer sans cesse la même chose est usant… Mais si le spectateur est aussi bête que l’émission, on va pas s’en sortir. Alors comment tirer du bon de ces shows ?

Déjà je pense qu’il faut tirer les enseignement des juges. Pour Ink Master par exemple, Oliver Peck arrive assez bien à expliquer les enjeux importants d’un bon tatouage, et Nunez, que je déteste, donne lui aussi des clefs intéressantes à prendre en tant que tatoué. Moi cela m’a aidé, dans un premier temps, à mieux cerner ce que DEVRAIT être (à défaut de ce que les candidats proposent) un bon tatouage. Cela m’a aidé à trouver de meilleurs tatoueurs, et à en conseiller de meilleurs à mes amis. Ensuite, il faut tirer les enseignements de ces énormités : un tatouage n’est pas une course. C’est un travail d’équipe, et sur du long terme parfois. C’est là le reproche principal que je fais à ces émissions, toutes confondues : elles donnent l’impression, de par leur format, qu’un tatouage se fait en moins de 45 minutes. Hop hop, c’est plié, un tirage au sort de crâne et boum, on a un tatouage.

Je ne vais même pas aborder la question des épisodes bonus de vacances de noël ou du nouvel an avec des mecs qui viennent se faire tatouer un traîneau du père noël ou un sapin… là on touche le fond. Quentin a raison, ce qu’il faut, ce sont des émissions qui montrent les vrais tatoueurs. Dans l’intimité de leur travail. Personnellement, lorsque j’étudiais l’histoire de l’art, je rêvais des grands noms de notre histoire… Gauguin sentait les îles, Warhol l’encre de sa Factory, et Soulages le plomb qu’il mixait dans ses créations de peintures noires… Je vénérais l’Art grâce à ses acteurs… J’ai perdu cette lueur d’admiration quand j’ai mis un peu plus les pieds dans le monde de l’art mercantile, et je ne l’ai retrouvé que récemment via ces artistes tatoueurs. Fiers, passionnés, bosseurs, conscients de leur statut underground, et ne cherchant rien d’autre que d’assouvir leur passion et améliorer leur discipline. C’est eux que je veux voir. C’est eux que je veux connaître. Et ce n’est pas à la télé que je vais les trouver. Heureusement, il existe de supers séries de documentaires sur ces gens là… Je ne peux, par exemple, que vous conseiller d’aller jeter un ?il sur youtube, si ce n’est pas encore fait à la série « Tatto Age » en particulier… bon c’est en anglais avec sous titres automatiques possibles en anglais (mais pas parfaits…) mais ce serait dommage de se priver de si belles rencontres. Et gardez Best Ink, Miami LA Ink, Master of the Titans pour les dimanches soirs de déprime…

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Bien entendu cela est notre avis et il n’engage que nous, vous pouvez nous donner le votre en commentaire.

Quentin J
Graphiste et Webmaster de profession, c'est fin 2012 que je décidais de lier mes passions pour le tatouage et l'informatique en créant inkage.fr. Retrouvez moi sur Google plus